No development without mental health
07/04/2017

Le 7 avril journée mondiale sur la santé – l’Organisation mondiale de la Santé – OMS attire l’attention sur la santé mentale et nous rappelle qu’il faut lutter contre les préjugés et aider les personnes en détresse. Le Rwanda a mis la santé parmi ses interventions prioritaire en santé publique et l’intègre – de manière innovante – comme partie intégrante aux soins de santé de base. L’expérience du Rwanda démontre aux bailleurs externe le ‘business case’ pour appuyer les structures de santé qui accompagnent – au long cours – les patients souffrant de troubles mentaux, y compris ceux affectés par le traumatisme du génocide.

La santé mentale n’est souvent pas inclue à la une de l’agenda des acteurs de santé et en particulier des partenaires impliqués dans l’aide au développement. Le nombre de personnes affectés par les troubles mentaux augmente rapidement (plus de 18% de 2005 à 2015 pour la dépression, comme le déclare le Dr. Achour Ait Mohand, psychiatre, travaillant au Rwanda comme conseiller technique de la CTB (coopération technique belge) basé à la division de la santé mentale du ministère de la santé du Rwanda.

 

 

Chaque année, le 7 avril, le Rwanda commence une période de commémoration des victimes du génocide de1994. Partout dans le pays, au stade Amahoro à Kigali, dans la communauté au niveau des quartiers et villages, des gens partagent leur souffrance et du coup revivent un moment – voire période – très dure. A ce jour un adulte sur quatre (26%) en Rwanda souffre de l’etat de Stress Post Traumatique ou PTSD (Post Traumatic Stress Disorder) suite au génocide. Plus de la moitié de ses personnes souffrent de dépression et potentiellement d’autres troubles mentaux. Un phénomène souvent ignorés et méconnu est l’impact du génocide qui affecte aussi, parfois gravement, la santé mentale des jeunes – une génération néé après 1994. Dans les milieux scientifiques on évoque de plus en plus l’hypothèse de la ‘transmission inter-générationelle du Psycho-traumisme » – comparable à la transmission du Shoah. Un appuie continu et intégré dans toute la société est dès lors requis.

Le choix politique du Rwanda pour intégrer la santé mentale dans la santé primaire a été un pas important. Ceci a rendu plus accessible les soins de santé mentale partout dans le pays. Le Rwanda est reconnu comme un des pays Africains qui a réalisé des progrès considérables sur le plan de la santé. L’espérance de vie à la naissance a énormément augmenté ses dix dernières années. L’espérance de vie se situe actuellement autour de 64 ans alors qu’elle était 55 ans en 2005 (Banque Mondiale – 2013).

Durant les prochains jours lors de la commémoration les services de santé vont recevoir un nombre important de personnes qui souffrent de crises émotionnelles et autres troubles psychiques. Ceci met le système de santé sous une pression énorme.
Il y a actuellement seulement six(6) psychiatres dans le pays. Dans sa politique de décentralisation des soins de santé mentale, le ministère de santé a donc opté pour que chaque (38) hôpital de district mette en place une unité de santé mentale dirigée par un team formé de deux infirmiers spécialistes en santé mentale et un(e) psychologue. Ces unités accueillent les patients et leur famille et sont chargées de la prévention, du diagnostic et du traitement des troubles mentaux communs. Au besoin, les patients sont hospitalisés au sein d’autres services généraux de l’hôpital (Médecine Interne, chirurgie, etc.). Si nécessaire les patients sont référés au niveau des structures spécialisées en psychiatrie se trouvant au niveau de la capitale Kigali. Pour renforcer l’intégration de la santé mentale dans la communauté, des infirmiers généralistes sont formés au niveau des centres de santé (deux par centre de santé) et ainsi que des animateurs de santé (un par village). Durant la période de commémoration, ce sont également des volontaires membres d’associations qui ont la santé mentale dans leurs missions qui sont formés et qui viennent renforcer l’accompagnement des victimes du génocide (la croix rouge, handicap internationale, …). De plus une formation de médecins spécialistes en psychiatrie a été engagée, sur place, par l’Université du Rwanda. Appuyée par la coopération belge, ce programme devrait doubler le nombre de de psychiatres dans le pays à partir de 2018.

Les besoins en santé mentale restent énormes. Malgré cela, l’appui à travers la coopération au développement reste insuffisant. A ce jour, la Belgique reste le seul partenaire au développement qui prodigue un appui au niveau institutionnel donne un appui au niveau institutionnel dans le domaine de la santé mentale au Rwanda. Il y a pourtant des signes encourageants en ce qui concerne la durabilité (sustainability) des interventions en santé mentale ; par exemple l’achat de médicaments est pris en charge directement par les structures de santé et le financement de la santé mentale est intégré dans le budget publique de chaque unité de santé du pays.

Par ailleurs, comme dans beaucoup de pays en Afrique, le stigma autour de maladies mentales reste un défi au Rwanda. Ce qui encourage Dr. Ait Mohand et ses collègues c’est la mobilisation de la société comme lors de la période de commémoration du génocide. C’est ce qui fera la différence dans la lutte contre le stigma entourant les maladies mentales.
Pour le Dr. Ait Mohand l’esprit d’équipe tel que celui prévalent au sein de la division de santé mentale, un espace ouvert aux interventions innovantes, compte parmi les motivations dans cette période de célébration de cette journée mondiale de la santé mentale.

Interview de Dr. Achour Ait Mohand, Avril 2017, Tim Roosen, coordinateur Be-cause health